Richelieu est-il vraiment l’inventeur du couteau de table ?

Les couteaux de table arrondis ont réellement commencé à être utilisés par les aristocrates français à l’époque du cardinal Richelieu, au XVII^e siècle. Cependant, ils sont apparus bien plus tôt. Ceci est confirmé, notamment, par des couteaux provenant du château des ducs de Bourgogne, qui sont datés de 1429, c’est-à-dire du premier tiers du XV^e siècle, soit près de 200 ans avant !

Leur apparence correspondait pratiquement à celle des couteaux de table modernes. Il est donc faux de penser que le Cardinal Richelieu a inventé et mis en circulation une nouvelle forme de couteaux. Mais c’est lui qui a favorisé sa diffusion en France. En effet, le cardinal, agacé par les gens qui se curent les dents avec la pointe du couteau à table, fait arrondir les lames. Par l’édit du 13 Mai 1610 rendant obligatoire la fabrication de couteaux à bouts ronds

Le premier couteau à bout rond date de 1429

Couteau de table décoré des armes de Philippe le Bon, entourées du Collier de la Toison d’Or, encadrées de deux bandes à la devise “Aultre narai” (nul autre n’aurait). Ce couteau ainsi qu’un tranchoir de belle facture également aurait appartenu à un écuyer tranchant de la cour ducale. (source : Pop culture .gouv).

Mais revenons au Cardinal, celui-ci va plus loin, parmi les plus farouches adversaires du duel, Richelieu passe aux actes en 1626, poussant Louis XIII à promulguer une loi qui punit de mort les belligérants d’un combat singulier.

Trop d’hommes, qui étaient les piliers du pouvoir royal, ont été tués dans des querelles de nobles.

Comment les poignards se sont transformés en couteaux de table à bout arrondi

Armand Jean du Plessis, duc de Richelieu, plus connu sous le nom de cardinal de Richelieu, était le premier ministre de Sa Majesté le roi Louis XIII, c’est-à-dire le chef du gouvernement de la France. C’est lui qui a interdit les duels, estimant à juste titre que trop d’aristocrates, qui étaient les piliers du pouvoir royal, perdaient la vie dans des querelles de nobles. Le cardinal a qualifié ces affrontements de “coups de couteau”. Des querelles ont également eu lieu pendant les festins. En ce sens, en cas de conflit entre deux hommes, le remplacement du poignard de combat par un couteau de table rendait le repas plus sûr.

Illustration de mignons s’affrontant en duel intitulée “Le duel des mignons”
par Cesare Detti publiée en 1885 dans le mensuel “Paris illustré”.

Il y avait une autre raison. Le cardinal de Richelieu n’était pas seulement un ministre, un homme politique et un commandant militaire accompli, mais aussi un collectionneur, un amateur de littérature et d’art, et le fondateur de l’Académie française en 1635.

La nouvelle esthétique et la formation de la culture à l’époque du renforcement et du développement de l’absolutisme en France ne pouvaient qu’affecter une telle sphère de la vie quotidienne, comme l’entourage de la table.

Ainsi, au milieu du XVII^e s. , pour les nobles français, il était devenu obligatoire de manger de la viande, correctement et joliment découpée pendant le festin. Faire cela avec des lames de combat était très difficile, et le couteau de table arrondi ne faisait que renforcer sa position.

Regardez et écoutez ce qu’en dit le chef Jean-Luc Madec face à Patrick Carmouze,

Sous le roi suivant, Sa Majesté Louis XIV, cette forme devint obligatoire et la seule possible. Avec le temps, les couteaux de table arrondis sont également devenus courants dans d’autres pays européens où ce “savoir-vivre”, le service à la française rencontre un franc succès jusqu’à la cour d’Angleterre.

Si l’on doit beaucoup au Cardinal pour la diffusion des couteaux de table, les assiettes creuses à usage individuel sont apparues sous son successeur, le cardinal Giulio Mazarini. Jusqu’au XVII^e s, en raison de l’absence de plats spéciaux, il était courant de manger des plats liquides dans un plat commun. Les premières assiettes individuelles sont apparues en Italie au XVI^e s. Et Mazarini a fait valoir qu’à partir du milieu du XVII^e s, elles sont entrées en usage en France. Les assiettes étaient appelées “assiettes à l’italienne” ou “mazarines”.

Et la fourchette dans tout ça ? Apparue sous l’Empire Byzantin, elle est d’abord arrivée en Italie vers l’an 1000 grâce au mariage de la princesse byzantine Théodora Doukas avec le Doge de Venise. Elle était alors uniquement utilisée pour consommer les pâtes (évidemment !). Elle tient d’ailleurs son nom de l’italien forcheta qui signifie petite fourche. Elle se répand ensuite dans toute l’Europe et entre à la Cour de France avec Catherine de Médicis. Son usage étant alors strictement limité à la seule consommation de poires cuites…

C’est son fils, le roi Henri III qui lance véritablement la mode en 1574, suite à une halte en Italie, pays natal de sa mère Catherine de Médicis. A la cour de Venise, il découvre alors la petite fourche à deux dents et est séduit par cet ustensile permettant de mettre en bouche les aliments sans se tâcher. Il s’affiche dès lors avec une fourchette dans son restaurant de prédilection où il rencontre un franc succès: l’Hostellerie de la Tour d’Argent (actuellement La Tour d’Argent à Paris).

Toutes ces innovations ont marqué le début d’une toute nouvelle forme d’ustensiles de bouche et de service individuel – le couvert.

Le couteau de table “Richelieu” par Le Sabot, un choix cardinal

La coutellerie Au Sabot à Thiers, nous livre ici son interprétation du couteau de table Le Richelieu, En hommage à ce grand homme, remarquez ici la forme de la pointe, comment ? N’est-elle pas arrondie ? Les duels, de nos jours n’étant pas le sport quotidien et depuis l’invention des cure-dents, la lame pointue peut revenir à table, c’est tout de même plus pratique pour découper une bonne viande avant de la mettre en bouche pour la savourer non ?